Christian Eychloma a lu "La Bûkiné d'Anna" de Noëlle Fargier
J’ai lu « La Bukinê d’Anna », par Christian Eychloma
Qui ne se souvient du tout début de « Mozart », ce chef-d’œuvre cinématographique où Salieri, au soir de sa vie, procède à une stupéfiante analyse d’une des œuvres du célèbre compositeur : « Sur le papier, ça n’avait l’air de rien. Le début était simple… »
On pourrait à bon droit s’étonner de la comparaison puisqu’il s’agit ici non pas de musique mais de littérature. Telle a pourtant été mon impression première en ouvrant « La Bukinê d’Anna » qui n’a pas immédiatement éveillé ma curiosité. Très vite cependant, au fur et à mesure de ma lecture, je me suis senti submergé par une débauche de sensations visuelles, auditives, olfactives, tactiles, une poétique symphonie de couleurs, d’échos, de senteurs...
La toile de fond se révèle peu à peu. Deux territoires séparés par un cours d’eau, tantôt léthargique, tantôt impétueux, le Douro.
D’un côté, protégée par un mur d’enceinte, la cité d’Hélios où demeure le peuple sédentaire des hommes et des femmes aux cheveux couleur de soleil. Ils ont développé une industrie rudimentaire qui leur permet de bâtir des habitations en dur relativement confortables, les « chibottes ». Ils maîtrisent le tissage, l’usage de la teinture, la poterie, la fabrication de vêtements textiles. Ils sont polythéistes et leurs dieux leur ont imposé des coutumes barbares auxquelles tous les membres de la communauté sont soumis. Ils incarnent le début de la civilisation, avec tout ce que ceci représente en termes de contraintes et d’inhumanité...
De l’autre côté du Douro, au-delà de la redoutable forêt de l’Ombre, au pied d’un volcan assoupi, la tribu du Lac. Ces hommes et ces femmes à la chevelure couleur de nuit sont plutôt nomades, vivent dans de fragiles huttes de bois et sont vêtus de peaux de bêtes. Leur art est relativement sommaire et se limite à la décoration des parois de la grotte où ils se réfugient en cas de forte intempérie. Ils sont monothéistes et extrêmement pacifiques, ont développé des relations sociales harmonieuses qui permettent à tous et à toutes de vivre dans la sérénité. Ils incarnent « l’âge d’or », une époque bénie où la terre appartenait à tout le monde et où personne ne songeait encore à se l’approprier .
Emporté par un texte truffé de symboles, on suit alors l’histoire incertaine de Matobe, aveugle de naissance, fille de Belenda morte en couches, et dont la vie commence dans un monde hostile peuplé d’êtres humains aux rituels impitoyables et régi par des dieux aux humeurs impénétrables.
On fait tout doucement connaissance avec de très nombreux personnages, dont Varna et Inanna, les deux sœurs de Matobe, Bacab, le chef de la tribu, Buluc, homme aigri et mesquin, et beaucoup, beaucoup d’autres… Et la fameuse Anna, me demanderez-vous ?
Anna ? Vous la rencontrerez avec surprise dans les toutes dernières pages de « La Bukinê d’Anna » !
Christian Eychloma